Les éditos du Curé

Des ténèbres à la lumière

Les quinze jours qui viennent sont d’une densité spirituelle unique. La liturgie nous fait revivre une alternance d’évènements douloureux, joyeux et glorieux d’une intensité incomparable. Jérusalem acclame Jésus en ce dimanche des Rameaux, avant de réclamer sa mort dans des hurlements atroces. Jésus, entouré de ses apôtres, célèbre la première messe de tous les temps, avant de se voir abandonné par ces mêmes apôtres, trahi et renié par deux d’entre eux. Inversement, des ténèbres de Gethsémani, nous allons passer à la clarté de la résurrection. De l’angoisse et du sentiment d’abandon criés par Jésus en croix, nous allons le découvrir glorieux, offrant sa paix, au matin de Pâques. De la mort, nous allons passer à la vie. Du péché au pardon. Des ténèbres à la lumière.

Ayons à cœur de vivre et de partager ces différents évènements avec le Christ. De nous associer à ses sentiments successifs. La liturgie pourra ainsi éclairer notre propre vie, et nous révéler le sens de cette succession de joies et de peines que nous connaissons nous aussi. Notre propre vie nous fait bien souvent passer de la désolation à la consolation, et inversement. Nous grandissons et avançons à travers tout cela.

Une figure nous est donnée à travers ce tumulte : celle de Marie. Douloureuse, joyeuse, silencieuse, elle tient debout, ferme dans l’Espérance. Etoile de nos vies, elle nous apprend à garder le cap et à attendre le matin de Pâques.

Père Pierre-Hervé Grosjean +

Jésus pleura

Mesure-t-on la force de ces deux mots mis côte à côte ? Le Fils de Dieu, le Maître de la vie et de la mort, le Tout Puissant, le Seigneur, le Roi des rois… pleura. Un homme qui pleure en public, ou devant ses amis, c’est rare. Les hommes n’aiment pas pleurer, se montrer vulnérables (pourtant, parfois, il le faut ! Bienheureux ceux qui savent pleurer…). Mais Dieu qui pleure ??? Quel grand mystère à contempler !

Jésus pleure, parce que tout en étant vraiment Dieu, il est vraiment homme. Et dans son humanité, il a fait l’expérience de l’amitié, belle et forte, qui l’unissait à Lazare, ou à St Jean. Jésus a ressenti la douleur de l’absence, de la séparation. Jésus sait ce qu’on peut vivre quand on est confronté à un deuil douloureux. Jésus a voulu nous montrer qu’il n’était pas indifférent, que sa divinité ne le rendait pas insensible à la peine des hommes.

Jésus pleure aussi sur cette mort, absente du projet initial du Créateur. Dieu n’avait pas voulu cela à l’origine. La mort est entrée dans le monde avec le péché. Dieu contemple toutes les souffrances qu’elle cause. Il aurait tant voulu éviter cela à l’homme. Dieu pleure sur sa création défigurée, abimée, blessée. Dieu pleure sur tous ceux qui à cause de l’épreuve de la mort, de la souffrance, vont se détourner de lui. Parce que leurs « pourquoi » ne trouvent pas de réponse… Mais comment pourrait-il y en avoir une ?

Jésus pleure, mais il ne s’arrête pas là. Il pose un geste décisif, qui annonce une victoire plus grande encore. Il ressuscite Lazare, pour annoncer notre résurrection. Pour que nul n’ignore, que si la mort fait désormais partie de ce monde, elle n’a pas le dernier mot. Le dernier mot appartiendra toujours à Jésus. Et ce mot, nous l’entendrons tous un jour, pour nous appeler de la mort à la Vie.

Père Pierre-Hervé Grosjean +

Qui sont les aveugles ?

Dans l’évangile de ce dimanche, les véritables aveugles ne sont pas ceux auxquels on pense spontanément. Les pharisiens d’ailleurs ne s’y trompent pas et finissent par demander eux-mêmes à Jésus :                   « Serions-nous des aveugles, nous aussi ? »

Ils sont en effet victimes (consentantes) d’une triple cécité. L’aveuglement de l’intelligence : ils sont prisonniers de leur erreur, de leur vision faussée d’un Dieu qui punirait le pécheur en le rendant aveugle. Trop sûrs de leur raisonnement, ils vont se tromper lourdement. L’aveuglement du cœur : face à cette guérison de l’aveugle de naissance, ils sont incapables de se réjouir du bien qui est fait, du bonheur de cet homme guéri, qui devient suspect à leurs yeux. Seul compte pour eux de ne pas se voir remis en cause dans leur autorité. L’aveuglement de l’âme : prisonniers d’une conception juridique et rigide de la religion, ils n’aiment pas et n’accueillent pas l’action de la grâce. Paradoxe étonnant : les gardiens de la promesse vont passer à côté de la réalisation de cette promesse !

Sommes-nous indemnes de ces aveuglements ? Sans doute pas complètement. Mais si Jésus a pu guérir l’aveugle-né, Il saura aussi nous guérir de notre cécité spirituelle. Que ce carême soit pour nous un temps de guérison, pour passer des ténèbres à la lumière.

Père Pierre-Hervé Grosjean +

Donne-moi à boire !

Jésus par ces simples mots entame la conversation avec la Samaritaine. Sont-ils si anodins ? Non ! Rien n’est anodin avec Jésus !

Le simple fait qu’il adresse la parole à cette femme n’est pas anodin. Jésus transgresse les habitudes des juifs pieux, qui considéraient les samaritains comme impurs. Elle en est la première étonnée. Les disciples le seront aussi. Jésus n’est pas venu pour les bien-portants, « mais pour les malades et les pécheurs ». La liberté de Dieu est de s’adresser à tous, de se pencher sur la misère de tous, d’aller chercher cette brebis perdue, là où la logique voudrait qu’on se contente des 99 autres restées sages. Tant mieux pour nous ! Nous sommes les premiers bénéficiaires de cette miséricorde…

« Donne-moi à boire »… Ne criera-t-il pas bientôt « J’ai soif » ? Jésus vient nous donner l’eau vive, cette eau du baptême qui lave nos âmes et nous réconcilie avec Dieu. Cette eau qui jaillira de son cœur transpercé, dont le prix sera sa vie. Mais lui-même a soif… il établit une relation : l’Amour appelle l’amour. Son Amour appelle le nôtre. Jésus a soif qu’on vienne à Lui, qu’on comprenne ce qu’Il fait pour nous, qu’on accueille son amitié, qu’on l’aide à sauver ce monde qui ne se sait pas aimé, comme cette samaritaine si blessée, et toute étonnée que le Christ se soit penché sur sa vie en vérité. Et si notre carême consistait à répondre tout simplement par nos prières, notre charité, nos efforts à ces quelques mots de Jésus « Donne-moi à boire… j’ai soif… » ?

Père Pierre-Hervé Grosjean +

Un carême pour accueillir le projet de Dieu

« Dieu nous a sauvés, et il nous a donné une vocation sainte, non pas à cause de nos propres actes, mais à cause de son projet à lui et de sa grâce » explique Saint Paul à Timothée, dans une lettre que nous lisons ce dimanche.

Quel encouragement et quel réconfort ! Saint Paul nous fait comprendre que notre salut n’est pas le résultat d’un « parcours du combattant » qu’il faudrait orgueilleusement réussir à la force de nos poignets, sans nous tromper, ni chuter. Ce qui risquerait de nous mettre dans une attitude erronée vis-à-vis de Dieu : on pourrait en effet du coup « réclamer » notre salut, tel un dû, comme le vainqueur réclame sa médaille à laquelle « il a droit ». Ou inversement, la moindre faute nous plongerait dans un profond découragement, persuadés que « c’est fichu ».

Le salut nous est offert : le projet de Dieu est grand pour nous. Son amour dépasse nos mérites. Nous sommes invités à voir Dieu, à être saints en sa présence. Toute la vie spirituelle consiste du coup à accueillir, au cœur même de notre faiblesse, ce salut. A nous laisser sauver et aimer. A nous rendre disponibles et dociles à la grâce de Dieu. Voilà aussi à quoi sert le carême : par la prière, la pénitence et la charité, mon cœur s’élargit et se fait accueillant, disponible pour Celui qui veut réaliser son projet de sainteté en moi ! Prions pour qu’au cours de ce carême, chacun de nous, à travers le sacrement du pardon en particulier, se laisse aimer et sauver par Jésus.

Père Pierre-Hervé Grosjean +

Le Carême, Ecole de la Joie

Je le disais, Mercredi des Cendres, il me semble que le carême peut être pour nous une belle école de la joie. La comparaison avec la montagne nous éclaire. Les efforts ne sont pas minimes, une course en montagne a un côté éprouvant : efforts consentis pour avancer sur le sentier pentu, pour s’alléger afin de pouvoir grimper plus facilement, pour attendre et soutenir le dernier de cordée épuisé, pour se relever après une chute et repartir vers les cimes, etc… Mais ces efforts n’ont de sens que parce qu’ils sont au service de la joie du sommet, parce qu’ils la préparent, la rendent possible, et nous la font mériter. Quand on avance en montagne, on garde les yeux fixés sur le sommet. On anticipe déjà la joie qu’on va y connaître, elle nous donne la force d’avancer.

Ainsi faut-il vivre le carême, les yeux fixés sur la joie de Pâques. Il faudra accepter de monter au Calvaire à la suite de Jésus. Il faudra pour le suivre accepter de se renoncer. Il faudra se mettre « au service » à notre tour, il faudra repousser les tentations et faire l’expérience du combat spirituel. Mais tout cela n’a de sens qu’en vue de cette triple joie qui nous attend : joie d’être une joie pour Dieu en nous laissant réconcilier avec Lui et sauver. Joie de se faire serviteurs de la joie des autres, en ayant appris à donner. Joie de retrouver un peu de notre liberté intérieure, pour pouvoir choisir résolument le Christ, et à travers Lui, une vie pleine et donnée.

Saint et Joyeux Carême à tous !

Père Pierre-Hervé Grosjean +

La vraie révolution de Jésus

« Il y a eu beaucoup de révolutionnaires dans l’histoire, mais aucun n’a eu la force de la révolution apportée par Jésus, une révolution qui change en profondeur le cœur de l’homme » rappelait l’année dernière le Pape François. L’évangile de ce dimanche nous le fait comprendre. Jésus n’invite pas à jeter aux orties la loi ou les traditions, tel un révolutionnaire de bas étage, qui ne cherche qu’à détruire ce qui existait avant lui. Jésus ne vient pas détruire mais accomplir. Il nous fait découvrir que notre relation à Dieu, et donc notre salut, ne dépend pas d’une observance ritualiste et théorique des commandements, mais bien de l’amour que nous aurons mis à vivre ces commandements. « M’aimes-tu vraiment ? » demande-t-il à Pierre. Voilà pour nous la question fondamentale que nous pose Jésus :  « à travers tout ce que tu observes, à travers tout ce que tu vis, est-ce que tu aimes ? ! Mets-tu ton cœur dans ce que tu fais pour moi et pour les autres ? » L’amour ne peut s’enfermer dans une liste de règlements. On n’aime pas juste ce qu’on « doit » aimer. On aime pleinement, généreusement, sans négocier ni calculer.  Cet amour-là irrigue notre obéissance, lui donne son vrai sens, sa fécondité. Cet amour-là rayonne. Cet amour-là nous comble et touche les cœurs de ceux qui nous entourent. Seul cet amour a la force d’une révolution profonde, capable de changer ce monde ! … « M’aimes-tu vraiment ? »…

Père Pierre-Hervé Grosjean +

Sel & Lumière

Les chrétiens s’interrogent souvent sur leur mission dans le monde. Jésus y a répondu en utilisant deux images : le sel et la lumière.

« Vous êtes le sel de la terre ». A quoi sert le sel ? A donner du goût, ou mieux, à rehausser le goût de l’aliment, à le révéler.  Mais le sel sert aussi à conserver cet aliment. Ainsi le chrétien, en vivant l’évangile, révèle à ceux qui l’entourent le sens de cette vie, et leur dignité aux yeux de Dieu. C’est aussi le chrétien qui reçoit la mission de conserver le message transmis par Jésus. Plus largement, il se fait gardien des repères essentiels sur lesquels se fonde notre société, et qui permettent à chacun d’accomplir sa vocation. Le chrétien, au cœur de ce monde, veille sur ces repères, les défend, les transmet.

« Vous êtes la lumière du monde ». Saint Paul nous explique dans la seconde lecture combien il fut craintif et tremblant au moment de s’engager dans sa mission. Si donc il fut « lumière » pour ses frères, ce n’est pas tellement en raison de ses qualités propres ou de sa sagesse, mais bien parce qu’il a laissé la puissance de Dieu rayonner à travers lui. Si le Christ vit en nous, si nous prenons les moyens d’enlever les obstacles qui pourraient obstruer ce rayonnement, alors nous serons réellement lumineux pour ceux qui nous entourent.

Remarquez bien que Jésus ne dit pas « vous serez sel ou lumière ». Jésus dit : « Vous êtes … » Encore une fois, cela nous est donné, au-delà de nos mérites. A nous de vivre selon ce que nous sommes, de devenir ce que nous sommes.

Père Pierre-Hervé Grosjean +

Prière pour les consacrés… et leurs parents !

Le 2 février, l’Eglise nous fait prier pour les consacrés. St Joseph et la Vierge Marie sont venus ce jour là au temple, consacrer à Dieu leur Enfant comme la loi le prescrivait.

Jésus était en fait déjà totalement donné à son Père : « Me voici, je suis venu pour faire ta volonté. » (Lettre aux Hébreux). Mais il fallait accomplir la loi. C’était aussi pour Marie et Joseph une façon de s’associer à l’offrande de Jésus à son Père. Ils signifient enfin qu’ils sont au service de la mission de Jésus. Voilà en quoi cette scène est emprunte d’une grave allégresse : le Salut annoncé paraît enfin, et fait la joie de Syméon. Mais il passera par la Croix, et le cœur de Marie en sera transpercé.

Comment ne pas penser à ces parents qui amènent leur fils ou leur fille, encore jeune, jusqu’aux portes du monastère ? Leur cœur est à la fois douloureux et heureux face au mystère de la vocation de leur enfant. Mais ils se rappellent qu’à son baptême, ils ont promis de servir cette vocation. Ils se souviennent que cet enfant leur était confié, mais qu’il est depuis son baptême, enfant de Dieu, appelé à une mission bien particulière sur cette terre. Bienheureux ces parents qui méditent tout cela dans leur cœur, et redisent avec Marie le « fiat » – « que ta volonté soit faite » – qui donnera à l’Eglise et au monde un nouveau veilleur, un intercesseur… un ou une témoin de l’Amour absolu dont Dieu nous a aimés.

Père Pierre-Hervé Grosjean +

Unité !

Dans sa lettre aux corinthiens, Saint Paul se scandalise des divisions qui apparaissent déjà au sein des premières communautés chrétiennes, et lance un appel à l’unité. Cela doit nous faire méditer à plusieurs titres.

« Que tous soient un, pour que le monde croie que tu m’as envoyé » dit Jésus dans sa prière du jeudi saint adressée à son Père. La division des chrétiens, et parfois des catholiques même, atténue le rayonnement missionnaire en offrant un contre-exemple dramatique. Saint Paul en fait d’ailleurs une solution : ne faut-il pas, sans nier nos différences de sensibilité, voire de doctrine avec nos frères d’autres confessions chrétiennes, chercher des terrains d’évangélisation communs ? Trouver des sujets (défense de la famille, de la vie) sur lesquels nous pouvons nous retrouver et œuvrer ensemble ?  C’est un œcuménisme en actes, pratique, concret au service d’un bien commun plus grand que nous.

Mais cela vaut aussi pour ces prochaines élections. Des chrétiens, des paroissiens se sont engagés sur différentes listes. D’autres militent dans différents partis. Je ne peux qu’encourager chacun à prendre part au souci du bien de la cité, selon sa vocation. Mais que rien ne blesse la charité qui doit exister entre fidèles d’une même paroisse. Ce sera même un beau témoignage à offrir à la ville : que chacun défende ses convictions et son projet avec justesse et honnêteté, mais reste capable de prier avec « celui d’en face » le dimanche à la messe. Le geste de paix aura là tout son sens. Non celui d’une « trêve » ! Mais le signe qu’un plus grand que nous, nous rassemble.

Père Pierre-Hervé Grosjean +