Les éditos du Curé

Face à la maladie

C’est si difficile de parler de la maladie, quand on n’est pas malade. Justement parce qu’on a peur d’avoir un discours « trop facile ». On sent bien qu’on risque d’être maladroit à chaque mot. On ne se sent pas légitime.

L’évangile de ce dimanche, la prière pour les malades d’aujourd’hui, le cri de détresse de Job … on ne peut pas fuir tout cela. Jésus guérit des malades. Il n’a pas guéri tous les malades. Il n’a pas supprimé la maladie. Le mystère reste là. Pourquoi ? Pourquoi moi ? Depuis la nuit des temps, ce cri résonne face au mystère du mal de l’innocent. Jésus n’a pas répondu. Car il ne peut y avoir de réponse supportable. Cela voudrait dire qu’il y a une logique. Jésus a guéri certains malades, toujours pour mieux faire apparaître qu’un autre mal, plus caché, ronge le cœur de l’homme : le péché. Il doit nous inquiéter, plus que ce qui ne touche que le corps. Pour le reste, Jésus garde le silence. Et monte sur la Croix. Là, il prend toutes nos maladies sur lui. Il assume tout. Pour qu’elles n’aient pas le dernier mot. Pour que le Seigneur puisse tirer de nos épreuves une certaine fécondité. Pour que notre espérance soit plus forte. A sa suite, nous passons alors du « Pourquoi » qui rend fou, au « Comment » qui fait avancer. Jésus est là pour nous aider à traverser ce que nous avons à vivre, en continuant d’aimer, d’espérer, de croire. C’est d’abord cela notre prière pour nos frères et sœurs malades : qu’aucune de leurs épreuves ne soit stérile… c’est au fond la seule consolation véritable : la fécondité de notre vie, même quand elle est éprouvée.

Père Pierre-Hervé Grosjean +

Un cœur partagé ?

Saint Paul dans sa lettre aux Corinthiens semble ne pas être enthousiasmé par le mariage, au point de ne pas le recommander à ses lecteurs ! Quelle est sa difficulté ? Il voudrait nous voir tous adhérer au Seigneur sans partage, de tout cœur. Or il craint que celui qui est marié ait le cœur partagé. Peut-on aimer pleinement Dieu, et être tout à Lui, si on aime aussi son conjoint. Celui-ci – et les soucis du monde – ne risquent-ils pas de prendre la place, et même toute la place, dans le cœur de l’époux ou de l’épouse ?

Si on lit la lettre de Saint Paul en entier, et ses autres écrits, on est rassuré : il a eu des mots magnifiques sur le mariage, comparant l’amour conjugal à l’amour du Christ pour son Eglise. On ne peut pas dire qu’il mésestime le mariage ! Simplement, on peut garder ce point d’attention : comment l’amour de Dieu et l’amour du conjoint peuvent se compléter, se nourrir mutuellement, s’encourager même, et non se concurrencer. Aimer Dieu en aimant son conjoint, pour mieux aimer son conjoint, à travers son conjoint… Vouloir être un saint, pour aider mon conjoint à l’être. L’amour de Dieu rejaillit dans l’amour du conjoint. L’amour du conjoint fait la joie de Dieu. Voilà de quoi inviter chaque couple de la paroisse à prendre au sérieux sa vie spirituelle : la vie amoureuse en sortira renouvelée, car Dieu n’est pas jaloux ! Notre joie fait la sienne.

Père Pierre-Hervé Grosjean +

L’urgence de la conversion

Les textes de ce dimanche sont unanimes et résonnent d’une même urgence : le temps est limité, il faut nous convertir maintenant. A cet appel, il nous faut répondre « aussitôt » : le terme revient aussi bien dans la 1ère lecture que dans l’évangile.

N’est-ce pas contradictoire avec l’idée que la durée est importante dans une démarche de foi ? N’ai-je pas besoin de temps pour progresser, découvrir, apprendre à connaître et aimer le Seigneur ?

Il y a pourtant bien une décision à prendre, un choix de vie à faire pour orienter toute notre existence. Ce choix ne peut attendre, être remis sans cesse à demain. Le « Viens, suis-moi » de Jésus réclame une réponse immédiate. Bien sûr qu’il nous faudra du temps ensuite pour mettre en œuvre tout ce que ce « oui » implique. Les apôtres eux-mêmes vont apprendre tout au long de ces trois années ce que veut dire « suivre Jésus ». Ils vont tomber, se relever, progresser, mûrir. Mais tout part de ce « oui » initial, donné un jour généreusement, comme un acte de foi un peu fou et pourtant déterminant.

Ce « oui » ressemble à celui de l’ordination ou du mariage. Il ressemble surtout à celui qu’il nous est demandé de redonner chaque dimanche. Veux-tu me suivre ? La messe, dans son déroulement même, est l’occasion de renouveler notre choix, puisqu’elle nous fait nous détourner du mal, accueillir la parole du Seigneur, décider de le recevoir et choisir de le suivre. L’accueil de notre Salut se fait toujours « maintenant » dans l’instant présent.

Père Pierre-Hervé Grosjean +

Que cherchez-vous ?

Voilà la question posée par Jésus à ces deux jeunes qui le suivaient, attirés par ce qu’ils avaient entendu de lui auprès de Jean-Baptiste. Question fondamentale, existentielle, si urgente à réentendre en particulier pour ceux qui sont à l’âge des fondations : « Que cherches-tu ? »

Il y a dans le cœur de chacun une soif d’idéal, d’absolu, de grandeur, de don de soi, qu’on doit laisser s’exprimer ou même éveiller et cultiver. L’homme ne rêve pas de débauche, d’argent, de paresse, d’une vie facile… Il peut tomber dans tout ça, mais cela ne le comble pas. Quelque chose dans son âme a soif d’autre chose. Qui le lui donnera ?

On ne répondra pas au fanatisme de ces jeunes djihadistes en France ou ailleurs par un laïcisme qui étouffe tout élan spirituel. On n’y répondra pas seulement non plus par des mesures sécuritaires, même si elles peuvent être nécessaires. Rien ne nous dispensera de réfléchir à l’idéal que nous offrons aux  jeunes de France, à ce qui mérite qu’on donne sa vie… à ce que veut dire même « donner sa vie ». Pour construire la paix, il faut donner des raisons de vivre. Pour que nul ne se trompe d’espérance, le témoignage des chrétiens est plus que jamais nécessaire : « Venez et voyez… »

Père Pierre-Hervé Grosjean +

Le combat de la foi

Au soir de sa vie, Saint Jean nous livre à travers sa lettre son testament. Ses frères les apôtres ont subi le martyr, il est le dernier. Il est confronté à la violence des hommes, à la persécution… mais aussi aux tensions qui sont déjà apparues au sein de la communauté des premiers chrétiens. Bref, de quoi hésiter, douter… Portant tout cela dans son cœur, le vieil apôtre écrit : « la victoire remportée sur le monde, c’est notre foi. »

Oui, croire est souvent un combat. Contre soi-même, contre ses doutes ou sa paresse. Combien « perdent la foi » faute de l’avoir entretenue avec persévérance ? Croire est aussi un combat contre « l’esprit du monde » : matérialisme et relativisme s’unissent pour nier Dieu et ses commandements, laissant penser à l’homme qu’il peut être son propre Dieu. C’est souvent rude de nous retrouver à contre-courant de notre entourage, parce qu’on choisit de croire. Rude et parfois usant. Croire est un combat contre le mal, à travers les épreuves, les blessures, les drames, nos chutes et nos rechutes qui viennent nous faire douter de la présence de Dieu ou de sa bienveillance.

Mais ce combat vaut la peine d’être mené : « Mène le bon combat, celui de la foi, empare-toi de la vie éternelle ! C’est à elle que tu as été appelé… » (1 Tim 6, 12). Comme Saint Paul encourageant Timothée, Saint Jean nous transmet ce qu’il a contemplé de plus précieux : « Dieu est amour… ses commandements ne sont pas un fardeau. » Si tu les gardes, si tu Lui donnes ta confiance, si tu persévères, « alors tu es né de Dieu », c’est-à-dire tu es enfant de Dieu, fils de Dieu, appelé à voir Dieu !  Ta foi te révèle ce que tu es, ce que tu as de plus précieux, et ce qui donnera à ta vie son sens et sa fécondité : tu es voulu et aimé de Dieu, sauvé par le sang de Jésus Christ, habité par son Esprit. Tout cela te rend « vainqueur du monde ».

Père Pierre-Hervé Grosjean +

Au cœur de la nuit, une lumière

Il y a cent ans, dans les premières tranchées de la guerre 14-18, il y eu à plusieurs endroits une trêve dans les combats le jour de Noël. Soudain l’horreur de la guerre s’estompait, et dans les deux camps on se souvenait que ce jour n’était pas comme les autres. Des chants de Noël s’élevaient de la tranchée, repris par les « ennemis » d’en face, qui pour quelques heures redevenaient des frères, partageant souvent la même foi. Miracle de Noël, trop bref hélas. Aujourd’hui encore, Noël doit être un jour de paix dans les familles. Un jour qui redonne un peu d’espérance à tous ceux qui peinent et qui souffrent. Un jour qui éclaire le sens de notre vie, au cœur même des ténèbres qui peuvent parfois nous assaillir. En effet, ce jour-là, il y a plus de 2000 ans, Dieu est venu visiter son peuple. Il est venu se faire proche. La naissance de l’Enfant-Dieu a changé l’histoire du monde, en apportant la promesse du Salut : désormais, le mal, la souffrance, l’injustice, la mort… n’auront pas le dernier mot. Voilà ce qui fait tenir les chrétiens d’Irak qui fêteront Noël dans l’angoisse de la persécution, ou encore cette jeune maman pakistanaise, Asia Bibi, qui sera elle dans sa prison, attendant son exécution, simplement parce qu’elle est chrétienne. Leur fidélité si admirable est fondée sur l’Espérance de Noël, sur cet Enfant de la crèche. Puisse leur témoignage nous aider à vivre Noël en chrétiens authentiques, fervents et pleins d’espérance !

Père Pierre-Hervé Grosjean +

« Soyez toujours dans la joie,
rendez grâce en toute circonstance »

De retour d’Irak, je me demande comment nos frères chrétiens persécutés peuvent entendre ces mots de Saint Paul aux Thessaloniciens. Ces mots semblent décalés pour nous aussi, qui avons tous fait l’expérience de coups durs, d’épreuves à traverser, de combats à mener… Nous avons bien vu qu’il est difficile, voir impossible, de ressentir toujours cette joie. Saint Paul pourtant n’est pas idiot, ni inconscient. Lui-même a dû quitter précipitamment ces chrétiens de Thessalonique pour fuir les juifs qui voulaient l’arrêter. Il sait ce qu’est la persécution. Il connaît lui aussi des combats intérieurs douloureux. Mais, sans doute que tout cela lui a fait justement rechercher la vraie joie, celle qu’apporte l’amitié de Jésus. Comme si les épreuves nous détachaient des plaisirs éphémères, des joies faciles, pour nous faire redécouvrir à la fois les petites joies simples que Dieu nous donne au jour le jour, et la joie plus profonde, plus spirituelle, qu’apporte la présence de Dieu dans nos vies. Ces joies simples, cette joie spirituelle, nous l’oublions dans le tourbillon du quotidien, car nos cœurs sont encombrés. L’épreuve vient nous appauvrir, nous décaper, pour nous ouvrir à ces joies simples et vraies. J’ai vu cette joie sur le visage de nos frères irakiens. Elle devait ressembler à celle des bergers découvrant l’Enfant de la crèche. A celle des Rois Mages, qui avaient accepté de quitter leur confort, pour se mettre à genoux devant l’Enfant Roi. C’est la joie de Noël, que seul un cœur de pauvre, d’enfant, peut accueillir pleinement.

Père Pierre-Hervé Grosjean +

Chers paroissiens, quand vous lirez ces quelques lignes, je serai… en Irak, aux côtés de nos frères chrétiens persécutés. Dans les camps de réfugiés d’Erbil, nos frères souffrent non seulement du climat, mais de la guerre qui continue. Après un peu d’agitation, l’opinion publique se détourne déjà. Ils craignent d’être oubliés, et leur patriarche, Mgr Sako, a lancé un appel au secours que le Cardinal Barbarin a entendu. Comme il l’avait déjà fait en août pour alerter l’Occident, il a décidé de repartir là-bas, pour prier avec eux et pour eux l’Immaculée. Pour que ce périple ait de l’écho, il a demandé à quelques-uns de l’accompagner, en plus des journalistes, pour relayer et témoigner. Voilà comment je me retrouve dans cette aventure de 3 jours… Notre évêque ne me l’a pas interdit. Comme lui, je crois que vous comprendrez que je devais accepter cette courte mission. Et j’ai dit oui avec une vraie joie et une grande paix. Je serai de retour pour célébrer Marie notre Mère, lundi 8 décembre, lors de la messe de l’Immaculée Conception à 20H. Je vous dirai ce que j’ai vu et vécu auprès de nos frères chrétiens d’Irak. Vous pouvez aussi suivre ce voyage sur la page facebook de Padreblog, ou sur le site Padreblog.fr ou encore via twitter. KTO, mais aussi des médias nationaux, le relayeront.

Je n’ai pu vous prévenir avant, le projet devant rester secret jusqu’au départ, pour des raisons évidentes de sécurité. Nous serons en grande union de prière, surtout à l’heure des messes paroissiales, pour nos frères chrétiens persécutés. A leur suite, soyons des « chrétiens ardents » dans ce temps de l’Avent. Nos frères nous montrent en effet l’exemple d’une espérance et d’une joie de croire qui demeurent, lumière fragile mais fidèle qui fait reculer les ténèbres… 
Je vous bénis !

Votre curé, Père Pierre-Hervé Grosjean +

Au cœur des ténèbres, prendre soin de la fragilité.

Les ténèbres du relativisme recouvrent aujourd’hui bien des consciences, bien des intelligences, bien des cœurs. L’avortement érigé en « droit fondamental » par les députés, là où il serait bien plus urgent d’entendre et d’accompagner les femmes et les hommes qui ont pu être blessés par ce drame, ou qui se retrouvent démunis face à une naissance difficile à assumer…  La « culture de mort »  dont parlait souvent St Jean-Paul II se diffuse. C’est maintenant les personnes en fin de vie qu’elle atteint. On nous évoque là encore « des exceptions à permettre » qui deviendront en fait demain un nouveau droit à sacraliser. La dignité de l’immigré, du pauvre, de l’enfant à naître, de la personne en fin de vie ou handicapée, de tout homme et de toute femme, n’a jamais paru aussi difficile à reconnaître et à affirmer. « Europe, où est ta soif de vérité ?! » a demandé vivement le Pape François à Strasbourg.  Il nous a donné une belle mission : « prendre soin de la fragilité des peuples et des personnes. » ajoutant : « prendre soin signifie garder la mémoire et l’espérance ». Dans la nuit, nous n’avons ni le temps ni le droit de nous décourager. Il nous faut veiller sur la fragile humanité. Il nous faut aimer et servir. Nous former et nous engager. Témoigner et accompagner. En attendant que l’aube vienne…

Père Pierre-Hervé Grosjean +

Contemple ton Roi

Notre Seigneur Jésus-Christ, Roi de l’Univers, s’expose nu et crucifié, couronné d’épines. Le roi a pris la place du criminel, il s’est laissé condamner par les hommes, ceux qui ne lui ont pas pardonné de ne pas être le roi qu’ils attendaient, comme ils l’attendaient.

Quel est ce roi sans pouvoir, ni puissance ? Ne te trompe pas : la puissance de ce Roi, c’est celle d’un amour fou, total, qui se donne et te sauve. Sa puissance, c’est d’aimer jusqu’au bout, jusqu’à ses ennemis. Sa puissance est dans sa fidélité. La puissance de ce Roi, c’est de pardonner sur la croix à ses bourreaux. Nietzche y voyait un acte de faiblesse, nous y voyons la puissance de Dieu, et la victoire sur le mal : chacun de nos péchés est consumé dans ce brasier de la miséricorde, ce feu si puissant du pardon. La puissance de ce Roi, c’est de vaincre la mort.  La puissance de ce Roi, c’est de nous faire participer à cette victoire sur la mort : sa résurrection annonce la nôtre. La puissance de ce Roi, c’est de transformer tout acte de charité vraie en culte rendu à Dieu. La puissance de ce Roi, c’est en effet d’identifier le tout petit dont on prend soin, tout pauvre qu’on sert, tout malade qu’on visite et qu’on soigne, à sa divine majesté : « ce que tu fais à l’un de ces petits, c’est à moi que tu le fais ! » C’est ainsi qu’on garde au cœur même de notre misère, une si grande dignité.

Contemple ton Roi, et comprends que tu ne dois pas avoir peur de lui soumettre ta vie. S’il règne en toi, ce bon Berger, c’est pour mieux te servir et te sauver.

Père Pierre-Hervé Grosjean +