Les éditos du Curé

C’est sans doute une des blessures les plus douloureuses que nous puissions connaître : le manque de reconnaissance, l’ingratitude de ceux que nous avons servis, pour lesquels nous donnons souvent beaucoup de nous-mêmes. On apprend ainsi très tôt aux enfants à dire « merci », et aux fiancés l’importance des compliments et des paroles de reconnaissance. L’amour d’un époux, d’une épouse, de parents n’est jamais un dû, il reste un don pour lequel on s’émerveille et on rend grâce. Il faut sans cesse prendre soin de ce besoin de reconnaissance de nos proches, tout en apprenant pour soi-même une certaine abnégation. Elle nous rendra moins dur le fait de ne jamais être assez reconnu !

L’Ecriture nous révèle que Jésus-Christ a éprouvé les mêmes sentiments. Bien sûr, Jésus dans sa perfection divine n’a nul besoin en tant que tel de la reconnaissance des hommes. Il se donne dans une parfaite abnégation. Mais dans son humanité, il n’est pas insensible à l’ingratitude de ceux qu’il vient de guérir. Surtout, il est offensé qu’on ne rende pas grâce à Dieu le Père : l’attitude naturelle de la créature vis à vis de son créateur devrait d’abord être la louange, la reconnaissance des bienfaits reçus. Cette reconnaissance ne s’exprime pas seulement d’ailleurs par des paroles. Naaman le Syrien nous montre qu’elle implique aussi un changement de comportement, pour que la grâce reçue de Dieu porte du fruit. C’est au fond le plus beau des mercis qu’on puisse donner au Seigneur, après notre louange : accueillir son amour et y répondre, en se mettant en route à sa suite !

Père Pierre-Hervé Grosjean +
Edito du 9 octobre 2016

Nous aimerions – moi le premier – pouvoir nous présenter devant le Seigneur riche de nos mérites, de nos bonnes actions, de nos élans mystiques ou encore de notre ferveur magnifique… Nous aimerions bien au fond que le Seigneur ne puisse s’empêcher de laisser échapper un petit sifflement d’admiration devant la vie qui aura été la nôtre !

Et puis notre faiblesse se rappelle à nous. Nos péchés si ordinaires et si médiocres. Notre difficulté à prier. Nos résolutions sans cesse lâchées. Notre réticence à aimer vraiment, à tout donner, à faire confiance, à pardonner. Nos blessures qui ralentissent notre marche…

On peut alors se laisser décourager. Comme elle est grande cette tentation du découragement ! Y compris et surtout chez celles et ceux qui voudraient justement viser les sommets, qui cultivent à raison un grand désir de sainteté. On souffre d’autant plus de ne pas y arriver d’un coup, tout de suite, pour toujours. On se plaint. On se révolte. On se résigne.

Les textes viennent nous éclairer sur ce qui compte aux yeux de Dieu : « le juste vivra par sa fidélité » dit le Seigneur au prophète Habacuc. Saint Paul encourage lui aussi Timothée à la fidélité : « ravive en toi le Don de Dieu que tu as reçu », « tiens-toi au modèle donné par les paroles solides, que tu m’as entendu prononcer », « Garde le dépôt de la foi dans toute sa beauté ». En résumé, au-delà des hauts et des bas, sois fidèle à croire, à aimer et à servir.

Voilà ce que nous aurons à offrir au soir de notre vie, voilà ce qui fait déjà la joie de Dieu : notre fidélité. Non que ne tombions jamais. Mais notre fidélité à croire en Dieu, malgré et au-delà des tempêtes. Notre fidélité à nous relever, pour nous remettre à Le servir.  Cette fidélité du « simple serviteur » que Jésus évoque. Une fidélité qui ne brille pas, mais qui ne ment pas non plus : jusqu’au bout, nous aurons accompli notre devoir, avec amour et par amour.

Père Pierre-Hervé Grosjean +

Edito du 02 octobre 2016

8 siècles avant Jésus-Christ, Amos rugissait déjà contre « la bande de vautrés », qui « vivent bien tranquilles » sans se soucier du désastre d’Israël. Jésus à son tour met en garde les pharisiens contre ce bien-être matériel qui sépare de Dieu et de ses frères. Si notre cœur est repu, rassasié… alors il n’est plus « affamé de justice » ni soucieux du salut. 2000 ans plus tard, le Pape François reprend cette même idée aux JMJ. Il demande aux jeunes de ne pas confondre le bonheur véritable avec « un canapé » : « Chers jeunes, nous ne sommes pas venus au monde pour végéter, pour vivre dans la facilité, pour faire de la vie un divan qui nous endorme… ».

Ainsi, depuis 3000 ans, cette vérité demeure : un certain bonheur peut être dangereux, quand il nous endort. Il peut nous rendre indifférents aux souffrances de nos frères, il peut aussi nous faire oublier que nous avons besoin de Dieu. Voilà pourquoi par exemple l’Eglise prie pour les mariés en demandant pour eux « que le bonheur ne les éloigne pas de Dieu ».

Saint Paul veut éviter cela à Timothée : « Mène le bon combat, celui de la foi, empare-toi de la vie éternelle ! » lui écrit-il. A force d’ignorer le vrai but de leur vie, certains insouciants risquent de tomber de haut. La vie éternelle, il faut la vouloir et la préparer.

Demandons ensemble de chercher le bonheur véritable, qui pour un chrétien ne peut qu’être collectif. Plutôt que le plaisir facile qui isole, cultivons la joie qui ne déçoit pas : celle de servir et de nous donner, et ainsi d’être sauvés.

Père Pierre-Hervé Grosjean +

Edito du 25 septembre 2016

A nouveau, Jésus réclame de nous un choix radical. « Qui veux-tu servir ? » demande-t-il à chacun. La question mérite d’être entendue, méditée, priée… On peut la décliner dans toutes les dimensions de notre vie : vie de famille, vie conjugale, vie spirituelle, vie professionnelle, vie scolaire, vie amicale… Qui veux-tu servir ? Quel est ton Maître ? Pour qui es-tu prêt à te donner ? A te dépasser ?  A t’engager ? Pour qui veux-tu mener le combat ? … Le combat ? Oui : Saint Paul nous révèle l’immense bataille dans laquelle nous sommes engagés : « Car nous ne luttons pas contre des êtres de sang et de chair, mais contre les Dominateurs de ce monde de ténèbres, les Principautés, les Souverainetés, les esprits du mal qui sont dans les régions célestes. » (Eph 6, 12). A la question « qui veux-tu servir ? », il n’y a donc en réalité que deux réponses possibles. Dieu ou Satan. Certains vont sursauter ! … Personne – ou presque – ne veut servir Satan ! Nous ne pensons même pas à lui, même d’ailleurs quand nous commettons nos péchés. Certes… mais au fond, tout ce qui nous détourne de Dieu fait son jeu. Nos « idoles » quelles qu’elles soient ne sont que des masques pour celui qui est l’adversaire par excellence. Tout ce qui prend la place de Dieu dans nos vies fait le jeu du prince de ce monde. Inversement, aimer et servir ceux qui me sont confiés, c’est aimer et servir Dieu qui me les confie. Me laisser aimer, pardonner, sauver, c’est servir le projet de Dieu sur moi. Croire et prier, c’est participer à la victoire du Seigneur.

Dans une bataille, il faut choisir son camp. On ne peut servir deux maîtres, s’engager sous deux étendards différents. Tout ce qui blesse le cœur de l’homme vient du camp d’en face. Nous en sommes parfois complices par notre péché. Mais nous sommes aussi certains si nous choisissons Jésus comme Maître de nos vies d’être un jour victorieux avec Lui.

Père Pierre-Hervé Grosjean +

Edito du 18 septembre 2016

Pharisiens et scribes sont scandalisés, et ne peuvent s’empêcher de s’écrier ces quelques mots. Dans leur bouche, c’est une condamnation. Comment un juif pieux peut-il fréquenter des publicains ? Comment bien plus celui qui se dit le Messie, le Saint par excellence, pourrait-il supporter cette proximité avec le mal et le péché ? C’est insupportable pour celui qui a la conscience de la sainteté de Dieu !

Les pharisiens ne le comprennent pas, mais ces mots sont la plus belle nouvelle que le monde pouvait entendre… Ainsi, le Fils de Dieu n’est pas venu condamner, mais sauver les pécheurs que nous sommes. Notre misère ne fait pas fuir ou se détourner Jésus, mais l’attire à nous. « Je suis venu pour les malades et les pécheurs… ». Et comme il le raconte dans les paraboles de ce dimanche, la vue d’une seule brebis égarée le fait tout quitter pour partir à sa recherche.

Malheureux pharisiens ! Ils auraient dû comprendre qu’ils étaient les premiers pécheurs à pouvoir bénéficier de cette Miséricorde… Bienheureux sommes-nous, si nous laissons le Christ nous faire bon accueil. Que nul n’ait peur de s’approcher de Lui, dans le sacrement du pardon en particulier, pour faire l’expérience de cet accueil bienveillant. Jésus ne relativise pas nos péchés. Il ne les minimise pas. Il a même donné sa vie pour en être vainqueur. Mais si Jésus déteste le péché qui nous blesse et nous salit, « il fait bon accueil aux pécheurs », qu’Il ne cessera jamais d’aimer, de pardonner, de relever, d’encourager… Voilà une nouvelle « bonne résolution de rentrée » : recevoir soi-même régulièrement le sacrement du pardon, et oser témoigner auprès de nos amis de ce bon accueil qui Dieu réserve à chacun. Beaucoup ont besoin de le redécouvrir…

Père Pierre-Hervé Grosjean +

Edito du 11 septembre 2016

La Providence ne nous laisse pas beaucoup de répit ! Dès le premier dimanche de cette rentrée, elle nous donne de méditer ces paroles fortes de Jésus qui réclament de nous un vrai choix. Un choix de vie. Celui qui ne préfère pas Jésus à tout et à tous ne peut être son disciple. Celui qui ne porte pas sa croix ne peut pas être son disciple. Cela a le mérite d’être clair. Mais notre nature humaine résiste devant cette radicalité…

L’Ecriture nous invite alors à nous asseoir, c’est à dire à prendre le temps de discerner, de regarder en face les choix qui se proposent à nous. Nous comprenons vite que seule la première place convient à Jésus. A cette seule place, Il pourra agir dans toute notre vie. Le choix de suivre Jésus ne peut être accessoire. Il est forcément fondamental dans le sens qu’il va définir les fondements de notre vie, et de tous les autres choix qui vont suivre.

La rentrée est une bonne période pour (ré)ordonner sa vie et repartir sur de bonnes bases. Ce choix de vivre en disciple de Jésus peut être fait à tout âge, et surtout doit être renouvelé régulièrement. Jésus se donne à nous pour nous aider à le faire. Il nous en rend capable, mais ne peut le vouloir à notre place. N’ayons pas peur de l’aimer vraiment, de le choisir vraiment, de le suivre vraiment. C’est la seule façon de vivre une vie vraiment pleine, qui portera du fruit, parce qu’elle sera enracinée en Lui.

Bonne rentrée à chacun !

Père Pierre-Hervé Grosjean +

Edito du 04.09.2016

On dit souvent du prêtre qu’il prêche d’abord pour lui-même. Il est bien souvent le premier qui devrait appliquer les conseils qu’il donne en homélie. Au jour du jugement, il ne pourra même pas invoquer l’ignorance : c’est lui qui enseignait ses frères !!!

Aussi, je prends autant pour moi que pour vous ce commandement étonnant de Jésus dans l’évangile de Marc. Ce n’est pas évident au fond de se reposer. C’est bien pour cela que Jésus est obligé de l’exiger de ses apôtres, entre deux envois en mission. Ce n’est pas évident, parce que cela demande d’abord un peu d’humilité. Il nous faut reconnaître que nous en avons besoin, que la famille, le couple, les enfants en ont besoin. On a nos limites. Ce n’est pas évident parce que la mission – celle de prêtre, de parents, de couple, d’amis, ou même celle du travail – ne s’arrête jamais. Les autres réclament. Les soucis restent là. Jésus en est conscient : Il nous demande de nous arrêter « un peu ». Il est réaliste ! Raison de plus pour le faire. Je vous promets pour ma part d’essayer… vraiment !

Que chacun prenne la résolution de prendre du temps pour soi, pour son couple, pour sa famille. Le temps de se retrouver, de relire cette année, de se ressourcer. Le temps de redécouvrir l’autre, celui qui pourtant vit à nos côtés. Que ce soit le Seigneur, un conjoint, tel ami, frère, sœur ou cet enfant qu’on n’a pas vu grandir.

Le quotidien nous met à rude épreuve. Bienheureux ceux qui savent s’arrêter pour mieux repartir. Ce ne sera pas de l’égoïsme, mais la plus belle des charités pour ceux qui vous sont confiés et ceux que vous aimez.

Bel été à chacun, je vous emporte dans ma prière et me confie à la vôtre.

Père Pierre-Hervé Grosjean +

Edito spécial été 2016

On assiste dans l’évangile de ce dimanche à plusieurs appels. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Jésus n’est ni dans la séduction, ni dans le bavardage, ni dans la négociation. « Suis-moi ». Il suffit de deux mots, d’une parole, et le projet de Dieu se révèle. L’homme en question est alors face à un choix. Choix radical forcément, à la mesure de l’Amour qui appelle. Choix dont découle la joie, quand le « oui » est donné. La joie – elle –  est toujours à la mesure de la générosité.

Dans toute vocation consacrée, on retrouve cette radicalité. Que l’appel ait été fulgurant ou qu’il ait eu besoin de temps pour être entendu et compris, on en revient toujours à l’essentiel : acceptes-tu d’engager ta vie pour suivre Jésus et « annoncer le Règne de Dieu » ? Acceptes tu de tout donner, de te donner ?

4 jeunes vont dire « oui » ce dimanche et être ordonnés prêtres : Jean-Baptiste, Baudouin, Benoît, Daniel. Prenons le temps de porter leur « oui » dans la prière et d’en rendre grâce. C’est aussi pour nous qu’ils le prononcent, pour nous annoncer le Règne de Dieu qui vient.

Que leur « oui » éveille le désir chez les plus jeunes de se mettre à l’écoute du Seigneur, et les aide à se préparer, quelle que soit leur vocation, à la joie du don de soi.

Que leur « oui » nous encourage et nous renouvelle dans nos propres engagements. Que leur « oui » nous aide à prier et porter tous ceux qui peinent aujourd’hui pour tenir le « oui » un jour prononcé.

Que leur « oui » nous motive dans notre prière pour les vocations, car dans plus de 60 diocèses sur 100 en France, cette année…  il n’y aura pas d’ordination.

Que leur « oui » nous rappelle à tous, là où nous sommes, qu’à la suite de Jésus, il n’y a « pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime »

Père Pierre-Hervé Grosjean +

Edito du 26 juin 2016

VIème siècle avant Jésus-Christ… le prophète Zacharie annonce un messie crucifié. Ce Messie parle déjà par la bouche de son prophète. Il avertit : ce peuple auquel il sera envoyé, ce peuple qu’il vient sauver et pardonner, ce peuple va le crucifier. Mais le Seigneur annonce en même temps : ceux-là mêmes un jour se repentiront, se lamenteront et feront pénitence. Ils se tourneront vers leur Sauveur.

Ces quelques mots éclairent ce que nous vivons.

Cela éclaire notre propre vie spirituelle. Nous regardons avec confiance, nous pouvons continuer à regarder Celui que nous avons crucifié par nos péchés. Nous le regardons d’autant plus, nous fixons son visage, parce que nous l’avons crucifié. Notre misère attire sa miséricorde. Ce regard de confiance, d’espérance malgré tout, a sauvé le bon larron.

Cela éclaire aussi la prière pour nos ennemis, bien moins naturelle que celle pour leurs victimes. Ces derniers jours de violence nous font toujours plus approfondir le mystère du mal. Que pouvons-nous espérer ? Que les violents finissent un jour par regarder Celui qu’ils crucifient à travers leurs victimes. « Saül, Saül… pourquoi me persécutes-tu ? »… Saül le persécuteur s’est un jour converti en voyant Jésus. Je pense à un autre exemple, celui de Kapler, le chef de la gestapo à Rome jusqu’en 44. Il a envoyé des milliers d’enfants, de femmes et d’hommes en camps… En prison, il demandera le baptême, accompagné par le prêtre qu’il avait essayé pourtant de faire assassiner. Demain, ces barbares sanguinaires – au moins certains d’entre eux – pourraient eux aussi lever les yeux vers la Croix et croiser Son regard. Ce regard qui a fait basculer le bon Larron, Saül, Kapler et tant d’autres… Nous les combattrons ces barbares, mais nous prierons aussi pour eux.

Père Pierre-Hervé Grosjean +

Edito du 19 juin 2016

Trois figures nous sont données à méditer ce dimanche. Celle du Roi David d’abord. Un des plus grands personnages de l’histoire d’Israël, béni de Dieu et comblé de ses dons. Le voilà coupable d’un crime atroce. Quel mystère ! Même les plus forts, même les meilleurs sont fragiles et peuvent tomber… Heureusement, David saura pleurer son péché.

Ensuite, cette femme « pécheresse » comme l’évangile la désigne, avec discrétion sans doute. Elle vient se jeter aux pieds de Jésus, en larmes, apportant ce qu’elle a de plus précieux. Jésus est touché par l’humilité de cette femme, si blessée mais si pleine de reconnaissance et d’amour pour Celui qui ne la condamne pas, et la regarde avec bienveillance. Elle obtiendra son salut : « tes péchés sont pardonnés » parce qu’elle a osé croire qu’elle pouvait encore aimer.

Enfin, ce pharisien. Sans doute un homme droit et fidèle, légitimement choqué par la mauvaise vie de cette femme et décontenancé de la voir ainsi, si proche de Jésus. N’a-t-il jamais eu besoin, lui, de s’accrocher à son Sauveur ? N’a-t-il jamais senti la douleur de ses péchés ? N’a-t-il jamais pleuré sa misère ? Mais sait-il seulement que lui aussi a besoin d’être sauvé et pardonné ?

Bienheureux ceux qui savent pleurer ! Bienheureux ceux qui lâchent la façade devant Jésus ! Bienheureux ceux qui ne s’abritent pas derrière une vie honnête, mais gardent dans le cœur ce besoin de Dieu. Bienheureux ceux qui ne se contentent pas d’obéir à la loi, mais apprennent à aimer et à se laisser aimer… Ils connaîtront la joie du pauvre pardonné !

Père Pierre-Hervé Grosjean +

Edito du 12 juin 2016