A l’approche des élections, Monseigneur Aumonier, en écho à la déclaration du Conseil permanent de la Conférence des Evêques de France, appelle les catholiques des Yvelines à exercer leur responsabilité politique.
Versailles, en la fête de Pâques,
Dimanche 8 avril 2012
Chers frères et sœurs,
Aujourd’hui, pendant ces quarante jours de Pâques, que nous dit le Christ ressuscité en nous assurant de sa présence ? « La paix avec vous ! »
Il ne nous dit pas: tâchez d’échapper à ce monde mauvais, isolez vous, privatisez votre foi, votre charité et votre espérance ! Au contraire, il nous demande d’être les témoins dans notre société et notre pays de ce que fait l’amour de Dieu, qui réveille du sommeil aveugle du péché, qui relève pour une vie pleinement humaine, faite de communion avec Dieu, avec tous les hommes, avec le cosmos, avec tout le créé..
Cette société, nous le savons, est vulnérable. Pendant ces derniers mois, nous avons vu la violence frapper des innocents. La ville de Versailles et notre département ont été particulièrement bouleversés, et même intimement touchés, par les tueries de Montauban et de Toulouse.
De tels drames ouvrent d’immenses questions. Ce serait rêver d’imaginer que la haine, et ce qu’il faut bien nommer la puissance destructrice du péché, cessent d’un coup. En revanche, il appartient à chacun d’entre nous, en particulier au moment où des échéances politiques majeures se présentent, de considérer avec soin en quoi consiste le bien de l’homme et ce à quoi, dans notre foi et notre humanité, nous nous refusons absolument.
Nous refusons que la vie humaine soit non seulement une cible, mais soit traitée comme un objet, comme un numéro. Nous refusons que, quiconque puisse s’arroger le droit de disposer de la vie d’autrui, ou de sa propre vie.
Nous refusons une société où l’échange entre les hommes ne soit plus celui d’une communauté de raison et de bien, mais se réduise à un jeu d’intérêts économiques, à une juxtaposition, une ignorance ou un choc des cultures. Nous ne sommes pas invités à cohabiter, mais à construire ensemble, avec et pour les plus jeunes.
Cette vigilance, nous la portons, modestement mais vraiment, au nom du témoignage que nous voulons rendre à la vie que Dieu donne en Jésus par amour de l’homme. Nous voulons la porter au service de tout homme, service auquel tant d’entre nous se dévouent quotidiennement, dans notre diocèse comme dans le monde entier. Nous savons combien est grande et belle la responsabilité politique. C’est pourquoi nous voulons l’exercer en rappelant ce que nous, et notre société, avons de plus précieux.
Nous choisissons encore et à nouveau la famille. Les responsables politiques des Yvelines avec lesquels j’ai l’occasion de dialoguer, élus locaux, maires, parlementaires, savent combien la dislocation de la cellule familiale est source de souffrances, de pauvretés, de fragilité humaine et sociale. De cette expérience, il est plus que temps de tirer honnêtement les conclusions en continuant à promouvoir la famille, sans que ses droits et ses devoirs soient confondus avec toute autre sorte d’union ou de contrat. Le mariage ne se définit pas à partir d’un désir ou d’une opinion, et encore moins d’une propagande.
Nous sommes attentifs aux projets d’éducation qui seront proposés, et participerons si possible à leur mise en œuvre. Là où la transmission échoue, là où la culture recule, la barbarie fait son chemin. Le sérieux et l’honnêteté, la compétence dans l’instruction, l’attention pédagogique portée à chaque enfant, le respect de ses convictions et de sa foi, la liberté scolaire, c’est-à-dire la reconnaissance de la responsabilité première des parents dans l’éducation des enfants, sont étroitement liés, et servent le lien social et la paix. Sans cela, notre démocratie recule.
Nous voulons poursuivre notre engagement face à l’urgence d’une solidarité réellement vécue avec les plus pauvres, les plus petits et les plus fragiles. Je parle de cette solidarité qui agit pour lutter concrètement contre la misère, qui accueille dignement l’émigré, qui se bat et invente pour donner à tous un travail, en particulier aux plus jeunes ou aux victimes de la crise économique ; qui se démène pour que les mères en détresse puissent accueillir l’enfant qu’elles portent ; qui sert les plus âgés ou les malades dans l’apaisement de leurs souffrances jusqu’au terme naturel de leur vie.
L’enjeu de cette vigilance dépasse les élections. Quelque soit leur résultat, il semble que nous n’échapperons pas, dans les mois ou les années qui viennent, à la promotion de mesures qui, tout en invoquant de généreuses intentions, auraient pour effet de fragiliser encore plus la famille, la mission de l’enseignement ou de porter atteinte à la vie humaine…
La liberté chrétienne, et le courage des chrétiens seront sollicités, sans doute plus qu’hier. Qu’on n’attende pas de nous que nous nous taisions, ou que nous acceptions ce qui est contraire à notre conscience et au bien de l’homme, ce qui le détruit, le méprise dans son corps et dans son cœur, dans son existence, dans sa dignité. Qu’on n’attende pas de nous que nous soyons résignés à confondre des lois justes avec des lois injustes.
Le témoignage auquel nous sommes appelés n’est pas violent. Quand il heurte des intérêts économiques ou partisans, il est souvent exposé au rejet, à la dérision. Nous sommes habitués.
Malgré cela, nous sommes confiants dans la liberté de l’intelligence humaine. Elle peut, en refusant l’esclavage de l’intérêt ou de la technique, se laisser toucher par la vérité, et attirer par le bien. On peut anesthésier la conscience, on ne peut pas la tuer.
Dans ce temps d’élections comme dans les échéances à venir, nous continuerons d’agir, de réfléchir et d’espérer en chrétiens, c’est à dire en témoins à qui le Seigneur donne de transmettre sa paix. Il nous charge de la transmettre pour qu’elle fasse son chemin dans notre pays et dans le monde.
+ Eric AUMONIER
Evêque de Versailles